jeudi 12 octobre 2017

Libre d'apprendre BLOG32 : Notre merveilleuse enfance, à moi et Hillary Clinton.

Résumé :
  • Cette article décrit les changements qui se sont réalisé ces dernières décennies dans le rôle parental.
  • Constat : Les personnes qui ont eu une enfance au milieu du vingtième siècle ont joui d’une plus grande liberté que les enfants d’aujourd’hui.
  • Exemple : Hillary Clinton se souvient de la grande importance du jeu libre non structuré en grandissant parmi les enfants de son voisinage autour des années 50.
  • Des exemples de ma propre enfance et de la confiance de mes parents :
    • La liberté d’apprendre et de faire du vélo dans ma ville et autour avec une amie, à l’âge de cinq ans.
    • Une organisation par les enfants de la ville d’une compétition de baseball, et ma gestion en tant que capitaine de 9 ans de mon équipe de ligue.
    • À l’âge de 10 et 11 ans, je participais à des expéditions sur le lac, de pêche par beau temps, de patinage l’hiver. J’étais aussi seul responsable de l’impression du journal pour aider mes parents fatigué.
    • Ces exemples montre de l’importance qu’à eu la liberté pour l’apprentissage de la responsabilité de soi lorsque nos parents nous ont fait confiance.

Notre merveilleuse enfance, à moi et Hillary Clinton.

Hillary et moi avons appris la responsabilité car nos parents nous ont fait confiance.

Dans mon dernier article, j’ai parlé du changement historique du rôle parental tout au long de l’histoire humaine. J’ai décrit la confiance parentale ches les chasseurs-cueilleurs, le rapport parental de contrôle-dominateur de l’époque médiévale et des débuts de l’industrialisation ainsi que la relation parentale contrôle-protecteur de notre culture aujourd’hui. Ce que je n’ai pas précisé c’est que ce rapport parental de contrôle-protection est un développement très récent. Dans cet article je vais décrire maintenant le changement historique qui s’est réalisé ces dernières décennies.

Les soixante premières années environ du vingtième siècle, peut-être plus particulièrement aux États unis et en europe occidentale, ont été une période d’expansion de la liberté des enfants. Les adultes comme les enfants ont gagné plus de temps libre tandis que les syndicats ouvriers ont aidé les travailleurs à réduire les semaines de travail et à faire baisser le travail des enfants. Le rôle parental devint alors plus libéral et libérateur qu’il n’avait jamais été, moins orienté vers un entrainement qui ne demanderait que l’obéissance. Les années 50 et 60 étaient d’une certaine façon un âge d’or pour l’enfance. Les personnes de mon âge, dont moi-même, sont, souvent pour de bonnes raisons, nostalgique à propos de la liberté dont ils ont joui, ce qui contraste avec les vies particulièrement controlées des enfants aujourd’hui.

L’enfance d’Hillary Rodham Clinton

Une de ces personnes nostalgique est Hillary Rodham Clinton. Voici par ses propres mots, la description de son enfance et de ses regret à l’égard de la vie des enfants d’aujourd’hui. [1]
« Je suis née à Chicago mais j’ai déménagé à Park Ridge dans l’État de l’Illinois à l’âge de 4 ans où j’ai grandi. Il s’agissait d’une banlieue typique des années 50. De grands ormes alignés le long des rues se rencontraient à leurs sommets comme la voute d’une cathédrale. Les portes restaient ouvertes et les enfants faisaient des allées et venues dans chaque maison du voisinage.

« Nous étions une société d’enfants bien organisée et nous avions toutes sorte de jeux, nous jouions toute la journée après l’école, tous les week ends et à partir de l’aube jusqu’à ce que nos parent nous fasse rentrée aux premières obscurités des soirs d’été. Un jeu s’appelait chasser et courir qui était une sorte de combinaison complexe entre le cache-cache et le jeu du loup en équipe. Nous faisions des équipes et nous dispersions dans la totalité du voisinage sur une zone d’environ 2 ou 3 patés de maisons, nous désignions des lieux sûrs où l’on pouvait prendre refuge si l’on était chassé. Il y avait aussi un moyen de se libérer après une capture afin de retourner dans le jeu. Comme tous nos jeux, les règles étaient élaboré et elles étaient martelé lors de longues consultations dans un angle de rue. C’était ainsi que nous passions des heures innombrables. ...

« Nous avions tellement de temps de jeux imaginatif dans des temps d’amusement non structurés. J’ai eu une merveilleuse enfance à être à l’extérieure à jouer avec mes amis, à me débrouiller seule et à simplement aimer la vie. Pour moi, être une enfant à l’école primaire fut génial. Nous étions tellement indépendant, nous avions tant de liberté. Mais il est aujourd’hui impossible d’imaginer donner cela à un enfant aujourd’hui. C’est une des grandes perte de la société. Mais j’ai l’espoir que nous retrouvions la joie et l’expérience du jeu libre en grandissant dans son voisinage que ma génération considérait comme acquis. Ce serait le plus beau cadeau que nous pourrions faire à nos enfants.

Quelques fragments de mon enfance

J’ai, moi aussi, de merveilleux souvenirs de mon enfance. En voici quelques exemples.
J’ai principalement grandi dans des petites villes du Minnesota et du Wisconsin. Ma mère était une personne aventureuse, toujours à la recherche de nouveaux boulots et de nouveaux défis, et c’est pourquoi nous déménagions souvent lorsque j’étais enfant. Chaque ville où nous vivions était empreinte de sa propre culture d’enfant, et mon grand défi personnel, à chaque déménagement, était d’apprendre à faire de mon mieux ce que les enfants de cette ville faisaient pour m’intégrer au mieux au groupe social. Voici quelques souvenirs de trois villes différentes :

Monterey dans le Minnesota : La liberté de faire du vélo à l’âge de cinq ans

À peu près aux alentours du passage de mes cinq ans, ma famille déménagea dans une ville appelée Monterey qui se trouve à la frontière sud du Minnesota. Aujourd’hui, Monterey n’existe plus, elle a fusionné avec Triumph, la ville voisine pour former une nouvelle ville, Trimont. Mon souvenir le plus marquant est celui qui concerne ma pratique du vélo. Ma meilleure amie était Ruby Lou, une fille plus âgée que moi d’un an et qui vivait de l’autre côté de la rue. Lorsque j’avais cinq ans et qu’elle en avait six, elle m’apprit à faire du vélo avec le sien. C’était un vélo sans petites roues stabilisatrices. La rue qui séparait nos maisons se trouvait sur une petite colline et elle me montra comment faire du vélo en descente était la meilleure manière d’apprendre. Je pouvais enjamber le vélo, donner une poussée avec mon pied et descendre la vallée avec suffisamment de vitesse pour rester stable et ensuite je pouvais pédaler une fois arrivé en bas pour pouvoir continuer à avancer. Le long de ce processus j’eus plusieurs fois mon genou écorché et le vélo de Ruby Lou prit quelques chocs mais au bout de quelques jours, lorsque mes parents virent tout cela, ils m’achetèrent mon propre vélo.

Le vélo, à l’addition de la confiance de mes parents et de l’amitié de Ruby Lou, me donna la liberté. Je pus, à l’âge de cinq ans, faire du vélo dans toute la ville et ses environs. Mes parents ne me donnèrent qu’une seule règle, qu’où que j’aille, je sois avec Ruby Lou. Elle était plus âgée et sage que moi et connaissait son chemin. Je n’ai pas discuté la règle. J’aurais certainement été trop éffrayé d’aller loin sans Ruby Lou de toute façon. Quelles aventures nous avons eu, Lou et moi sur nos vélos, à découvrir et explorer de nouveaux lieux à l’intérieur et autour de Monterey.

Sun Prairie dans le Wisconsin : La gestion de mon équipe de petite ligue à 9 ans

Entre l’âge de 7 et 10 ans, j’ai vécu à Sun Prairie dans Le Wisconsin. J’ai appris qu’aujourd’hui Sun Prairie est une banlieue en croissance de Madison, mais lorsque j’y ai vécu dans les années 50, il s’agissait d’une petite ville entourée par un grand nombre de champs de maïs qui la séparait de Madison. Les enfants à Sun Prairie participaient à de nombreuses activités qui étaient des nouveautés pour moi. Par exemple, j’ai appris avec mes nouveaux amis à fabriquer et à faire voler un cerf-volant. Nous organisions des compétitions de cerf-volant avec comme seule règle que le cerf-volant soit construit à partir de zéro sans utiliser de kit préfabriqué. Aujourd’hui on imagine souvent que les parents aideraient leurs enfants à construire des cerfs-volants mais ce n’était pas le cas à cette époque. Nous, les enfants les plus jeunes, apprenions comment faire de nos amis les plus âgés et expérimentés et par la suite nous y apportions nos propres améliorations. Nous avions la chance d’avoir des morceaux de bois gratuitement auprès de la scierie locale pour faire la structure (parfois nous demandions, mais parfois non). Certains enfants faisaient des cerfs-volants remarquables comme je n’en vois plus guère aujourd’hui.

Mais bien plus que les cerfs-volants, Sun Prairie était, pour les garçons, une ville faites pour le baseball. Tout le voisinage était rempli de terrain vacant et sur chacun de ces terrains vous pouviez trouver des enfants jouant au baseball tout l’été et après l’école à l’automne et au printemps. Le baseball est rapidement devenu ma passion. Comme un grand nombre de mes amis, j’étais certain qu’en grandissant je serai devenu un joueur de baseball professionnel. Nous écoutions tous à la radio les matchs des Braves de Milwaukee et nous collectionnions et échangions les cartes de baseball. À une époque où il n’y avait pas de calculatrice, les enfants qui avaient pourtant du mal à faire des divisions à l’école, n’avaient aucun problème pour calculer les moyennes des batteurs.

La plupart de nos matchs de baseball se déroulaient de manière informelle avec tous ceux qui venaient sur le terrain. Mais à Sun Prairie nous avions aussi notre petite compétition de ligue. J’utilise le mot petit dans « petite ligue » parce que je ne pense pas que nous étions liés à une quelconque ligue officielle mais c’était ainsi que nous l’appelions. Notre petite ligue n’avait pas l’implication d’adultes comme on pourrait le voir aujourd’hui. Un superviseur de jeu démarrait la compétition chaque année au printemps, mais en dehors de cela, elle était gérée entièrement par les enfants. Voici comment ça marchait :

Un certain jour de printemps, les enfants d’une certaine tranche d’âge qui souhaitaient être dans la ligue devaient se rendre un parc principal de la ville. Nous nous montrions généralement en groupes, des groupes d’amis qui jouaient déjà ensemble sur les terrains vacants. Les groupes se désignaient eux-même en équipe et les enfants qui ne faisaient pas parti d’un groupe étaient ajoutés aux équipes par le superviseur de jeu. Chaque équipe élisait un capitaine qui serait le contact avec le superviseur et qui serait le gestionnaire officiel de l’équipe. Ensuite le superviseur planifiait les matchs de manière à ce que chaque équipe joue les unes avec les autres un certain nombre de fois au cours de l’été. À chaque match un enfant du lycée servirait d’arbitre. Et c’est tout. En général, aucun adulte n’assistait aux matchs. S’il y avait un public c’était généralement les enfants les plus petits qui espéraient nous remplacer si l’un d’entre nous se blessait ou devait partir plus tôt pour une quelconque raison. Une ligue similaire de softball était organisée pour les filles.

Les matchs de ligue étaient très excitants pour nous, parce qu’ils étaient à une étape au-dessus de formalité, des jeux amateurs que nous pratiquions la plupart du temps. Nous jouions sur un terrain qui ressemblait à un vrai terrain de baseball en diamant, avec un backstop et de vrai bases. Il y avait un arbitre qui annonçait les balles et les strikes et qui gardait le score officiel. Mais les matchs étaient aussi excitants parce qu’ils étaient vraiment à nous sans aucun adulte pour nous dire ce que nous devions faire, nous devions prendre nos propres décisions.

Quand j’étais vers la fin du 3ème niveau (CE2 en france) et venais d’avoir 9 ans, j’ai été élu capitaine de ma petite équipe de ligue. Cela signifiait que j’étais responsable de vérifier que tous mes équipiers connaissait les dates des matchs et qu’ils viendraient. (Nous nous déplacions tous en vélo. L’idée que les parents nous conduisent n’avait pas encore été inventé. Les parents ne connaissaient d’ailleurs pas les dates des matchs.) Je devais aussi déterminer les positions pour chaque match. Ce qui était le plus difficile était de choisir qui serait le lanceur. Nous avions un bon lanceur et plusieurs autres qui pensait être de bons lanceurs. Je devais faire des compromis pour laisser notre bon lanceur lancer et être assez souple pour laisser les autres lanceurs lancer de temps en temps. J’étais le gestionnaire mais j’avais très peu de pouvoir parce que les joueurs s’en allaient s’ils n’étaient pas contents et nous devions garder un certain nombre de joueurs pour garder une équipe. Ce qui fait qu’un grand nombres de discussions et de compromis devaient être fait pour chaque placement de chaque match.

Pouvez-vous imaginer aujourd’hui laisser un enfant de 9 ans la charge d’une équipe de petite ligue de baseball ? Le fait que vous ne pouvez pas l’imaginer est à la mesure du degré auquel, nous en tant que culture avons perdu le respect des compétences des enfants. Ce n’était pas seulement moi, toutes les équipes étaient dirigées par un enfant. Toute la ligue était fondée sur la prémisse que les enfants souhaitez jouer au baseball organisé d’une telle façon qu’ils prenaient la responsabilité de le rendre possible. Et ça marchait ! Si ce n’était pas le cas, cela voulait simplement dire que les enfants avaient perdu leur intérêt pour le baseball et c’était aussi ok.

Hill City au Minnesota : La pêche, le patinage et tenue d’une presse écrite à l’age de 10 et 11 ans

Lorsque j’avais 10 ans nous avons déménagé à Hill City, une petite ville sur le bord d’un grand lac dans le nord du Minnesota, où j’ai passé les deux années de mon enfance les plus glorieuses. Nous étions plutôt pauvres quand nous vivions à Hill City car mes parents avaient dépensé toutes leurs économies en achetant la presse et l’imprimeur local. Ma mère a toujours voulu diriger un journal et ce fut sa chance. C’était à une époque où les petits journaux locaux faisaient faillite partout et le Hill City News était lui aussi sur le point de disparaître. Toutefois ma mère espérait pouvoir le relancer. Nous vivions dans une maison que mes parents avaient achetée pour 2000$, elle était assez grande pour nous sept mais elle n’avait pas de salle de bain intérieure. Pouvez-vous imaginer une dépendance extérieure dans le Minnesota ? Nous gelions aux toilettes en hiver. Nous prenions des bains tous les samedis soir dans une baignoire en étain au milieu de la cuisine. Ce n’était pas rare à Hill City en 1950. Certains de mes amis vivaient vivais aussi sans salle de bain intérieur.

La vie des enfants à Hill City était centré sur le lac. La pêche remplaça rapidement le baseball comme passion. Un jour d’été typique mes amis et moi-même prenions nos vélos chargés du matériel de pêche jusqu’au lac ou à la rivière qui l’alimentait, attrapions des grenouilles ou des ménés comme appâts et passions la journée entière à pêcher. Parfois nous pêchions à partir d’un quai ou du rivage et parfois nous sortions le vieux bateau à rames qui semblait être, pour les enfants de la ville, une propriété communale. Nous étions tous de bons nageurs si bien qu’aucun de nos parents n’était inquiet à l’idée que nous puissions nous noyer. Nous ramions des kilomètres pour tester de nombreux emplacements pour pêcher. Je devins un bon pêcheur, pêchant pratiquement que des pomoxis, des piques du nord et des bars, et parce que nous étions pauvres, ma famille appréciait vraiment le poisson que je ramenais à la maison. Une règle à la maison était que celui qui avait attrapé le poisson était celui qui devait le vider.
En hiver nous patinions sur le lac. Si la neige était profonde, nous pelletions notre propre patinoire. Nous utilisions généralement nos patins le soir et nous faisions un feu pour nous éclairer et nous tenir au chaud. Le deuxième hiver où nous vécurent là, la neige était assez légère et le vent assez fort pour permettre le déneigement du lac gelé pendant plusieurs semaines au début de l’hiver. Nous en profitions alors pour faire des voyages sur la longueur du lac (il faisait plus de cinq kilomètres). Nous prenions nos repas avec nous et allumions des feux pour nous reposer et manger. Parfois nous collections aussi des pommes de pin sur les îles du lac que nous ramenions à la mère d’un de nos amis pour faire des couronnes de Noël.

Un dernier souvenir d’Hill City que je souhaiterais transmettre concerne le fait que je me suis occupé de la presse d’imprimerie. Le Hill City News était un journal hebdomadaire et il était imprimé tous les Jeudis. Mes parents restaient souvent debout toute la nuit pour terminer avant la date limite, le jeudi matin, ils me demandaient de me lever pour aller faire tourner l’imprimerie le temps qu’ils fassent une sieste matinale. J’étais fier, à l’âge de 10 et 11 ans, que l’on me fasse confiance pour faire tourner seul l’immense, et peut-être dangereuse, imprimerie. Je devais fournir en papier à la main, une feuille après l’autre et restant à l’allure de la vitesse d’opération de la presse. Je me sentais important, toute la ville attendait le News que j’étais en train d’imprimer. Ça n’avait pas d’importance que je loupe l’école les jeudis matin quand je m’occupais de l’imprimerie. Cela n’avait pas d’importance pour mes parents, mon instituteur ou le principal de l’école. Tout le monde savait que j’apprenais bien plus en faisant tourner l’imprimerie que ce que j’aurais appris pendant toutes ces heures d’école.

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J’ai raconté ces histoires à mon propos et à propos de mes amis mais les véritables stars étaient nos parents et les autres adultes de la communauté qui étaient suffisamment sages pour nous faire confiance et rester à l’écart de nos vies plutôt que d’intervenir au premier plan. Grâce à une telle confiance nous avons eu des enfances pleine d’aventures et, de chacune de ces aventures, nous avons appris. La leçon la plus importante que nous ayons apprise, qui est aussi la leçon la plus importante que tout le monde apprend, était comment avoir la responsabilité de soi-même. C’est une leçon qui ne peut pas être enseigné. Elle doit être apprise par chaque personne et cet apprentissage demande de la liberté, ce qui inclut la liberté de faire des erreurs, d’échouer et même parfois de se blesser.

Qu’en est il de votre enfance ? Quels souvenirs avez-vous d’aventures qui sont interdites par la plupart des parents aujourd’hui ? Et quelles idées avez-vous pour faire revivre votre liberté d’enfant ? J’apprécierai de connaître vos pensées et vos histoires dans les commentaires ci-dessous. La semaine prochaine je continuerai le sujet de la confiance parentale en soulignant les forces qui en ont causé le déclin récent et je proposerais des routes possibles pour la revitaliser.

[1] 
La citation est d’Hillary Rodham Clinton’s “An Idyllic Childhood,” dans son livre S. A. Cohen (Ed.), The Games We Played: A Celebration of Childhood and Imagination. Simon & Schuster, 2001.


Publié le 22 Juillet 2009 par Peter Gray et traduit par Michaël Seyne le 29 Septembre 2017

source : https://www.psychologytoday.com/blog/freedom-learn/200907/hillary-clinton-s-and-my-wonderful-childhoods


lundi 4 janvier 2016

Libre d'apprendre BLOG31, La confiance parentale, sa chute et sa renaissance potentielle

La confiance parentale, sa chute et sa renaissance potentielle
Pouvons-nous compléter un cercle historique en revivifiant la confiance parentale ?

La parentalité, comme d'ailleurs pratiquement tous les comportements humains, doit être comprise dans le contexte de la culture dans laquelle elle est intégrée. Les styles de parentalités proviennent des valeurs culturelles plus larges de la société et en même temps ces styles aident à perpétuer ces valeurs.
Dans mon dernier article, j'ai parlé de l'aspect ludique de la parentalité des chasseurs-cueilleurs. Cet essai faisait partie d'une série sur l'approche ludique de tous les aspects sociaux de la vie par les chasseurs-cueilleurs. J'ai utilisé le terme ludique pour me référer à une attitude d'égal à l'égard des autres plutôt que comme subordonné ou supérieur. Dans la série, j'ai souligné la différence de cet esprit de jeu dans l'approche des chasseurs-cueilleurs à l'égard de la gouvernance, de la religion, du travail productif et de la parentalité en le mettant en contraste avec les approches basé sur la domination qui se sont imposées dans toutes les cultures qui ont suivi.
Dans le jeu, personne ne peut dominer le comportement d'une autre personne, chaque joueur doit avoir la possibilité de prendre ses propres décisions à l'intérieure des limites qui ont été établies par les règles du jeu, et tous doivent avoir un mot à dire sur l'établissement de ces règles. Un style de parentalité ludique est alors celui dans lequel les parents ne tentent pas de dominer le comportement de l'enfant mais plutôt permettent à l'enfant une liberté maximale pour prendre ses propres décisions à chaque moment de chaque jour. Les parents ludiques permettent à leurs enfants de prendre leurs propres décisions parce qu'ils font confiance aux instincts et aux jugements de leurs enfants.
Dans cet essai j'utilise le terme de confiance parentale plutôt que de parentalité ludique pour décrire le style de parentalité des chasseurs-cueilleurs parce que son sens est encore plus évident. Les parents qui font confiance ne mesurent ni n'essayent de contrôler le développement de l'enfant parce qu'ils font confiance en l'enfant pour guider son propre développement. Plutôt que de le guider son développement, ils le soutiennent en aidant l'enfant à achever ses propres objectifs quand de l'aide est demandé et qu'il est nécessaire. Mes intentions dans cet essai sont d'expliquer pourquoi la confiance parentale a fonctionné si bien pour les chasseurs-cueilleurs, pourquoi elle a été remplacé par une parentalité directive dans les sociétés agricoles et industrielles et pourquoi les conditions sont maintenant propices à la renaissance d'une confiance parentale.
La confiance parentale était bien adaptée au mode de vie de chasse et de cueillette.
Comme je l'ai signalé dans des articles précédents, les chasseurs-cueilleurs sont attachés à des valeurs de liberté individuelle et d'égalité qui ont nourri la coopération, le partage, l'initiative individuelle et la créativité qui est nécessaire pour soutenir la vie dans un monde ou il n'y a pas d'accumulation de propriété ou de stockage de nourriture sur le long terme. La chasse et la cueillette elles-mêmes nécessitent beaucoup de créativité et de prise de décision, ce qui est très difficile à mettre en application par des personnes qui se sentent pousser à le faire par d'autres. Le mode de vie de la chasse et de la cueillette demande aussi de s'affirmer soi-même. Dans une société où les décisions du groupe sont faites lors de longues discussions qui mènent à un consensus, dans lesquelles tout le monde a le droit à la parole, il est essentiel que chacun se sente libre d'affirmer leurs idées et leurs souhaits. Il faut qu'ils aient la compétence de le faire et la confiance parentale était le moyen idéal pour créer le chasseur-cueilleur idéal.
La confiance parentale envoie des messages à l'enfant qui sont cohérents avec les besoins des bandes de chasseurs-cueilleurs : « Tu es compétent. Tu as des yeux et un cerveau et tu peux comprendre par toi-même. Tu connais tes propres compétences et limites. Par l’auto-direction de tes jeux et explorations tu apprendras ce que tu as besoin de connaître. Tes besoins ont de la valeur. Tes opinions comptes. Tu es responsable de tes propres erreurs et tu es digne de confiance à l'égard de ta capacité à apprendre de celles-ci. La vie sociale n'est pas un mur de volonté qui s'oppose à la tienne, mais soutien l'une et l'autre de manière à ce que chacun ait ce dont il a besoin et désir. Nous sommes avec toi, non contre toi. »
L'expérience des chasseurs-cueilleurs est que les personnes grandissent de cette façon deviennent hautement compétentes, coopératives, non autoritaires, joyeuses et des membres de valeur au sein de leur société. Ils ont contribué au sein de leur bande non pas parce qu'ils se sentaient forcés de le faire mais parce qu'ils le souhaitent et ils l'ont fait ainsi avec un esprit de jeu. Un groupe d'anthropologues a écrit il y a de nombreuses années quelque chose qui pourrait être résumé ainsi : « Le glaneur qui a du succès … est celui qui a grandi enfant dans l'affirmation de soi et l'indépendance. » [1]
Avec l'essor de l'agriculture, les styles de parentalité sont passé de la confiance à l'instruction et la domination.
L'agriculture, inventé il y a environ 10,000 ans, a changé radicalement les conditions de la vie humaine. La valeur de l'agriculture était bien sur qu'elle permettait de produire davantage de nourriture et soutenir davantage de personnes sur un espace plus petit que celui qui est nécessaire à la chasse et la cueillette. Toutefois le coût devint une entrave sérieuse sur la liberté humaine.
Avec l'agriculture vint l'appropriation des terres et l’accumulation de la propriété, avec cela vint aussi le besoin de garder la propriété et de la protéger, parfois par des moyens violents. Aussi, et d'une manière plus significative, l'agriculture a produit l'ouvrier. Alors que chasser et cueillir demandait une initiative personnelle, de la compétence, de l'intelligence, de la créativité et un esprit de jeu ludique, la plus grande partie du travail agricole était répétitive et pouvait être produite par des ouvriers sans compétences. L'agriculture a aussi conduit à de plus grandes familles avec un plus grand nombre de bouches à nourrir, les enfants devaient travailler dans les champs et en s'occupant des plus jeunes pour pouvoir subvenir à leurs besoins et ceux de leurs frères et sœurs. Tout cela conduisit à la rupture avec les idéaux d'égalité et de liberté des chasseurs-cueilleurs.
L'agriculture à mis en place les conditions pour les relations de domination et les inégalités. Les personnes qui ne possédaient pas de terres, ce qui inclut les enfants et pratiquement toutes les femmes, devinrent dépendantes des personnes qui possédaient des terres. Les propriétaires fonciers devinrent les seigneurs et maîtres et les sans terres devinrent les servants et les esclaves. La finalité de ce mouvement a conduit de manière ultime aux sociétés féodales dans laquelle il y avait peu de seigneurs et de maîtres et une grande majorité de serviteurs et d'esclaves. Il n'est pas surprenant de tel changement on altéré les valeurs sociales. Les religions par exemple sont passé de l'esprit égalitaire et ludique à la hiérarchie et un esprit dangereusement sérieux véhiculant un message d'obéissance plutôt que de liberté. (voir article) Il est clair que dans ce contexte, l'approche de la parentalité a aussi changé.
Alors que les chasseurs-cueilleurs avaient besoin d'être indépendant et confiant pour pouvoir survivre, la plupart des personnes des cultures post-chasseurs-cueilleurs avaient besoin d'être obéissant pour pouvoir survivre. Et ainsi, le but de la parentalité pour la plupart des personnes fut de produire des enfants obéissants et serviles. Tandis que les chasseurs-cueilleurs étaient parents d'une manière qui permettait le développement de l'indépendance et de la volonté, les premiers agriculteurs et les peuples des temps féodaux étaient parents d'une manière à supprimer ces qualités. Les coups physiques de l'enfant étaient réguliers et largement approuvés comme étant des moyens normaux pour y arriver. Les enfants qui agissaient avec arrogance envers leurs pères ou leurs maîtres étaient battus. Les femmes adultes et les serviteurs étaient aussi souvent traités de cette manière.
De nombreuses études ont démontré qu'il y avait une relation entre les moyens économiques pour gagner sa vie et le style de parentalité. Par exemple, une étude statistique réalisée à grande échelle et publié il y a 50 ans a montré qu'il y avait une forte corrélation selon le degré dans laquelle une culture est dépendante de l'agriculture plutôt que de la chasse et de la cueillette et le degré selon lequel les pratiques parentales sont orienté vers l'obéissance plutôt que la confiance en soi. [2]
L'essor de l'industrie a conduit à davantage de répression envers la volonté et l'indépendance de l'enfant. Les premières industries ont été intensives en utilisation de main-d’œuvre et cela bien plus que l'agriculture. Les enfants étaient utilisés pour une large part de leur temps à ce dur labeur. Les enfants comme les adultes peinaient de longues heures dans des conditions lugubres et les enfants étaient souvent battu pour qu'ils continuent leurs tâches. La plupart des personnes continuaient à dépendre de leurs maîtres, mais maintenant les maîtres étaient les seigneurs des usines plutôt que les seigneurs des terres.
Il est raisonnable de supposer que les parents des premières sociétés agricoles et industrielles qui battaient leurs enfants pour les soumettre agissaient pour le bien des enfants. Pour survivre dans ces conditions il était nécessaire d'être obéissant et pour cela il fallait supprimer la volonté et enseigner à faire sans questionner ce qui était demandé. Les méthodes des chasseurs-cueilleurs sont les moyens naturels pour devenir humain. Il est impossible de supprimer cela chez un être humain et c'est pourquoi il y avait toujours des révoltes et des soulèvements et cela même au risque d'en mourir. Les hommes ne peuvent pas être entraîné à être des fourmis.
Les conditions modernes ont entretenu une parentalité protectrice et directive.
De nos jours, pratiquement tout le monde est repoussé par l'idée de battre ses enfants pour obtenir leur soumission. De nos jours, la créativité, l'initiative et la confiance en soi sont généralement valorisés chez les enfants. Dans notre monde actuel, nous comprenons que l'obéissance n'est pas suffisante. Les ouvriers non qualifié ont diminué et ont été remplacé par les machines et les personnes doivent souvent être créatives et auto-dirigées pour trouver des moyens pour se soutenir elles-mêmes. De nombreuses valeurs qu'embrassaient les chasseurs-cueilleurs sont aujourd'hui adoptées de nouveau.
Toutefois nous n'avons pas, en tant que culture, adopté la confiance parentale des chasseurs-cueilleurs. À la place, nous avons remplacé la parentalité dominante et directive de la féodalité et du début de l'industrialisation par une nouvelle forme de style directif et protecteur. Pour différentes raisons, nous en sommes arrivé à voir l'enfance comme une période extrêmement fragile du développement. Les experts nous disent constamment ce dont quoi nous devons nous protéger nos enfants. Nous en sommes arrivé à penser que les enfants n'avaient pas les compétences pour prendre leurs propres décisions, qu'ils devaient être éduqués d'une manière attentive pour être dirigé progressivement vers un niveau vers lequel ils auraient un jour cette compétence.
On nous dit que nous devons protéger les enfants de toutes sortes d'accidents, ce qui signifie qu'il faut porter de sérieuses restrictions sur les formes de jeu et d'exploration. Nous devons les protéger des maladies qu'ils pourraient attraper avec pratiquement tout ce qu'ils font. Nous devons les protéger des adultes prédateurs qui rôderaient semble-t-il dans tous les voisinages ou des autres enfants ou des adolescents nocifs plus âgé. Nous devons aussi les protéger de leurs propres bêtises car nous lisons régulièrement de nouvelles données qui prouvent prétendument que les enfants et particulièrement les adolescents seraient, pour des raisons biologiques, des empotés. Nous devons protéger les enfants une estime de soi fragile en augmentant toujours plus les louanges, en participant à leurs jeux (et parfois en les arrangeant pour eux) tout en les encourageant et en essayant d'arranger leurs vies de manière à ce qu'ils n'échouent jamais. Et nous devons aussi protéger leurs futurs, car nous avons entendu dire que c'est ce que nous faisions en les forçant à passer toujours plus d'années et d'heures dans le système éducatif et à ne pas parler de leurs véritables besoins et soucis.
En faisant tout cela et avec les meilleures intentions du monde, nous privons les enfants aujourd'hui de la liberté de manière quasi identique que le faisaient les parents dans les sociétés féodales et des débuts industriels. Nous ne battons pas les enfants, mais nous utilisons tous les autres pouvoirs que nous avons en tant que soutien pour contrôler leur vie.
Que faudrait-il pour faire revivre la confiance parentale ?
De nombreux parents aimeraient adopter une approche plus confiante mais découvrent que c'est difficile de le faire. Les voix de la peur sont fortes et incessantes, et les peurs ne sont jamais véritablement sans fondement. Elles ne peuvent pas être complètement rejetées. De terribles accidents arrivent, les adultes prédateurs existent, la délinquance des autres enfants peut avoir des influences nocives, les enfants et les adolescents font des erreurs (d'ailleurs comme toutes personnes de tout âge) et l'échec peut blesser. Nous sommes aussi par nature, conformiste. Il est difficile de nager à contre-courant et prendre le risque d'être jugé de manière négative sur notre façon d'être parent. Et pourtant, certains nage à contre-courant, et le nombre des nageurs peut faire changer la direction de la rivière.
Lors des deux ou trois prochains articles je répondrais directement aux questions qui ont été posé ici. Je parlerais de la confiance parentale dont j'ai fait l'expérience en tant qu'enfant et des défis de la confiance parentale aujourd'hui et la façon de faire face à ces défis.
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Notes
[1] Devore, Murdock & Whiting (1968). In Richard B. Lee & Irven DeVore, 
Man the Hunter, p 337.
[2] Barry, Child, & Baron (1959), "Relation of Child Training to Subsistence Economy,"
American Anthropologist, 61, 51-63.]


Publié le 16 Juillet 2009 par Peter Gray et traduit par Michaël Seyne le 15 Décembre 2015

mercredi 25 novembre 2015

Krishnamurti et l'éducation, citation 01

L’autorité empêche d’apprendre
Nous apprenons généralement grâce par exemple à l’étude d’un livre, en faisant une expérience ou en étant instruit. Ce sont généralement les méthodes d’apprentissage habituelles. Nous dirigeons notre mémoire vers ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire, vers ce qu’il faut penser et ce qu’il ne faut pas penser, comment sentir, comment réagir.
Par l’expérience, par l’étude, par l’analyse, par l’investigation, par l’examen introspectif nous stockons la connaissance dans la mémoire, et la mémoire fait alors face aux défis et besoins suivants, lesquels introduisent de nouvelles expériences et de nouveaux apprentissages. Ce qui est appris est placé dans la mémoire en tant que connaissance et cette connaissance est utilisée à chaque fois qu’il y a un défi ou que nous avons à faire quoi que ce soit.
Je pense qu’il y a une manière d’apprendre totalement différente et je vais en parler un peu, mais pour la comprendre et apprendre de cette façon, vous devez être complètement libre de l’autorité car sans cela vous serez seulement instruit et vous répéterez ce que vous aurez entendu. C’est pourquoi il est très important de comprendre la nature de l’autorité. L’autorité empêche d’apprendre, et apprendre n’est pas l’accumulation de connaissances dans la mémoire. La mémoire répond toujours d’une manière schématique et conceptuelle, il n’y a là aucune liberté.
Un homme qui est écrasé par la connaissance et les instructions, qui est encombré par les choses qu’il a accumulées, n’est jamais libre. Il peut être un érudit extraordinaire mais son accumulation de connaissances l’empêche d’être libre et le rend donc incapable d’apprendre.
J. Krishnamurti, The Book of Life

mardi 17 novembre 2015

Libre d'apprendre BLOG30, Le jeu nous rend humain 6, la parentalité ludique des chasseurs-cueilleurs

Le jeu nous rend humain 6, la parentalité ludique des chasseurs-cueilleurs
Une parentalité ludique est basée sur la confiance.


N'avez vous jamais remarqué que nous, en tant que société, utilisons des métaphores agricoles pour parler de la parentalité et de l'éducation ? Nous parlons d'élever les enfants de la même façon que nous parlons d'élevage de poulets ou de croissance des tomates. Nous parlons d’entraîner nos enfants, comme nous parlons d’entraîner des chevaux. Notre façon de parler et de penser la parentalité suggère que nous possédons nos enfants de la même façon que nous pourrions posséder des plantes et du bétail et que nous sommes responsables de la façon dont ils grandissent et se comportent. Nous entraînons les chevaux à réaliser des tâches que nous voulons voir faire et nous entraînons (du moins, nous essayons d'entraîner) nos enfants à réaliser des tâches dont nous pensons qu'elles seront nécessaires pour leur succès futur. Que le cheval ou l'enfant le veuille d'un tel entraînement, nous le faisons quand même. L’entraînement demande la suppression de la volonté et de l'esprit de jeu de celui qui est entraîné. L'approche agricole de la parentalité n'est donc pas une approche ludique.


Les concepts de notre société concernant l'élevage et l’entraînement des enfants supposent une relation de dominant et de subordonné entre le parent et l'enfant. Le parent, l'enseignant ou un quelconque autre substitut parental a la charge et la responsabilité envers les actions de l'enfant. Le principal devoir de l'enfant est, du moins en théorie, d'obéir. Cette approche à la parentalité semble si naturelle pour nous qu'il semble difficile d'imaginer une alternative. Et pourtant, dans le contexte de notre longue histoire en tant qu'espèce, cette approche est nouvelle, elle arriva avec l'agriculture il y a environ 10.000 ans. Avant cela, nous étions tous chasseurs-cueilleurs et nous n'avions pas de métaphores agricoles pour guider nos pratiques parentales.


Dans cette série d'essais sur "le jeu nous rend humains", j'ai décrit les valeurs sociales et les pratiques des sociétés des chasseurs-cueilleurs en bandes. Ma thèse est que l'extension de la pulsion du jeu des primates chez nos espèces a permit à nos ancêtres d'adopter un style de vie bien plus social et coopératif que ceux d'autres primates (voir article). Il semble que les chasseurs-cueilleurs utilisaient le jeu et l'humour plus ou moins délibérément pour contenir les tendances dominatrices et encourager les sentiments de liberté personnelle et d'égalité qui étaient essentiels pour leurs moyens d'existence. Dans des essais précédents, j'ai parlé de l'approche ludique des chasseurs-cueilleurs pour :
(a) gouverner;
(b) la religion;
et (c) le travail productif.
Maintenant dans cet essai je vais décrire leur approche ludique de la parentalité. [1]


Avant cela et pour vous donner un aperçu de la philosophie des chasseurs-cueilleurs sur la parentalité, voici quelques extraits d’anthropologues ou d'autres personnes ayant vécu parmi des sociétés de chasseurs-cueilleurs et qui ont eu l'opportunité de les observer de près.


  • "Les chasseurs-cueilleurs ne donnent pas d'ordre à leurs enfants, par exemple, aucun adulte annonce leur d'aller se coucher. La nuit, les enfants reste près des adultes jusqu'à ce qu'ils se sentent fatigués et qu'ils s'endorment. [...] Les adultes Parakana n'interfèrent pas avec la vie des enfants. Ils ne les frappent, ne les grondent, ni ne se comportent agressivement envers eux, que ce soit physiquement ou verbalement. Et ils ne leur font pas non plus d'éloges ou d'encouragements pour contrôler leur développement." (Yumi Gosso "Le jeu dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs" dans "La nature de jeu, les grands singes et les humains" 2005, p 218)


  • "L'idée qu'il s'agisse de "mon enfant" ou de "votre enfant" n'existe pas (chez les Yequana du sud de l’Afrique). Décider de ce qu'une autre personne devrait faire, peu importe son age est en dehors du vocabulaire des comportements Yequana. Il y a un grand intérêt dans ce que chacun fait mais il n'y a pas d'impulsion (et encore moins de coercition) pour influencer quelqu'un. La volonté de l'enfant est sa propre force motivante." (Jean Liedloff, "Le concept de continuum" 1977, p90)
  • "Les enfants aborigènes sont laissé libre à un degré extrême et parfois ils continuent à téter jusqu'à l'âge de quatre à cinq ans. La punition physique pour un enfant est quasiment du jamais vu." (Richard A. Gould, Yiwara: Foragers of the Australian Desert, 1969, p90)


  • "Les bébés et les jeunes enfants (chez les chasseurs-cueilleurs inuits de la région d'Hudson Bay) ont la permission d'explorer leur environnement jusqu'au limites de leurs capacités physiques et avec une interférence minimum des adultes. Par conséquent, si un enfant s'approche d'un objet dangereux, les parents le laisse généralement explorer les dangers par lui-même. Ils considèrent que l'enfant sait ce qu'il fait." (Lee Guemple, "Enseignement des relations sociales chez les enfants inuits", dans "Chasseurs et Cueilleurs 2", 1988, p137)


  • "Les enfants Jul'hoansi d'Afrique pleurent très rarement, probablement parce qu'ils n'ont pas grand-chose qui les fasse pleurer. Aucun enfant ne se fait taper ou crier dessus. Aucune punition physique ou verbale. Ils n'ont jamais entendu de mot décourageant avant d'arriver à leur adolescence, et même là, s'il y a une réprimande, elle se fait toujours avec une voix calme." (Elizabeth Marshall Thomas, "The Old way", 2006, 198)


Vous pourriez penser qu'une telle indulgence conduit les enfants à être trop gâtés et insatiables qui les conduiraient à devenir par la suite des adultes trop gâtés et insatiables. Mais selon les anthropologues qui ont vécu parmi eux, rien ne serait plus éloigné de la vérité. Voici ce que dit Thomas (Old Way, p 198-199) à ce sujet: "Nous entendons souvent dire que les enfants qui seraient traité avec gentillesse seraient alors trop gâté, mais la raison est que ceux qui sont attachés à cette opinion n'ont aucune idée à quel point ce comportement à leur égard entraîne leur succès. Libéré de la frustration et de l'anxiété, joyeux et coopératifs, l'enfant est un rêve pour les parents. Aucune autre culture n'a jamais été capable de produire des enfants aussi intelligent, aimable et confiant."


Basé sur les lectures d'écrits d'anthropologues sûr de nombreuses cultures de chasseurs-cueilleurs, je caractériserais la parentalité chasseur-cueilleur de cette façon :


1. Les chasseurs-cueilleurs aiment leurs enfants autant que nous aimons les nôtres. Ils se réjouissent des naissances, pleurent la mort de leur enfant et apprécient leurs enfants autant que nous.


2. Les chasseurs-cueilleurs protègent les jeunes enfants des dangers sérieux, mais ne sont pas surprotecteurs. Les chasseurs-cueilleurs reconnaissent qu'ils doivent arranger leur environnement de certaines façons pour protéger les nourrissons et les très jeunes enfants. Par exemple, ceux qui chassent avec des flèches empoisonnées stock les flèches en hauteur hors de la portée des enfants. Toutefois pour les dangers moins sérieux, les chasseurs-cueilleurs croient qu'il est dans l'intérêt des jeunes enfants de les laisser explorer comme bon leur semble plutôt que de restreindre leurs explorations. Par exemple, il n'est pas rare de voir des tout-petits enfoncer des bâtons dans le feu de camp ou de jouer avec des couteaux aiguisés. L'expérience des chasseurs-cueilleurs montre que ces petits enfants se blessent rarement eux-même lors de telles activités et que de tels risques sont moins importants que les avantages de l'apprentissage de l'utilisation de ces objets très tôt. Les adultes croient qu'à partir du moment où les enfants commencent à préférer la compagnie des autres enfants avant celle des adultes (à environ quatre ans), ils ont suffisamment de bon sens pour prendre leurs décisions en fonction de ce qui est prudent de faire ou ce qui ne l'est pas. Les enfants de cet âge et plus âgées jouent dans des groupes d'âge mixtes en se trouvant souvent éloignés des adultes.


3. Les chasseurs-cueilleurs font confiance en leurs enfants. Les anthropologues utilisent généralement le terme d'indulgence pour caractériser le style parental des chasseurs-cueilleurs, mais je pense que le concept le plus fondamental est la confiance. Les parents acceptent les désirs des enfants parce qu'ils ont confiance dans leurs instincts et leurs jugements. Ils croient que les enfants savent mieux ce dont ils ont besoin et quand ils en ont besoin si bien qu'il n'y a pas ou très peu de conflits de volonté entre les adultes et les enfants. Si un bébé pleure ou montre un signe quelconque de détresse, n'importe quel adulte ou enfant proche répondra immédiatement pour voir quel est le problème et comment aider à le résoudre. La supposition qui est faites est que le bébé communique son besoin d'être aidé seulement lorsqu'il a besoin d'aide.


Les chasseurs-cueilleurs croient que les pulsions instinctives de l'enfant pour explorer sont équilibré par les peurs instinctives et par la connaissance de leurs propres capacités et limitations qui les mènent à tempérer leurs explorations avec une prudence appropriée. Des enfants de quatre ans ne vagabonderont pas dans des territoires peu familiers sans la compagnie d'un enfant plus vieux ou d'un adulte. Les enfants de tous âges n’essayeront pas de sauter par-dessus un gouffre dont ils sont physiquement incapables de sauter. Les enfants prennent constamment des risques pour étendre les limites de ce qu'ils peuvent faire, mais les risques sont faibles. Les enfants sont conçus par nature (aujourd'hui nous dirions par sélection naturelle) à faire toutes ces choses, si bien qu'ils apprendront à faire face à de véritables dangers lorsqu'ils se présenteront.


Concernant l'éducation, les chasseurs-cueilleurs ont conscience dans le fait que les enfants et les adolescents trouveront par eux-mêmes ce qu'ils ont besoin d'apprendre et l'apprendront par leurs propres pulsions à observer, explorer et jouer avec les aspects pertinents de leur environnement (voir l'article). Ils ont confiance que lorsque les jeunes personnes seront prêtes à contribuer d'une manière significative pour l'économie de la bande elles le feront avec une joie qui rend la coercition ou la persuasion inutile.


Je pense qu'une telle confiance devient une prédiction autoréalisatrice. Les personnes en qui l'on a eu confiance depuis le début deviennent généralement digne de confiance. Les personnes qui sont traités de cette façon ne grandissent pas en voyant la vie comme une question de dominer, de déjouer ou de manipuler les autres. Ils voient plutôt la vie en terme d'amitiés, de personnes qui s'aident les unes les autres de plein gré et avec joie pour satisfaire leurs besoins et leurs désirs. C'est l'attitude que j'ai décrite tout au long de cette série qui est l'approche ludique de la vie, l'approche qui fait ressortir les meilleurs aspects de notre humanité.


Le jeu, comme je l'ai répété dans cette série nécessite la liberté individuelle. Le jeu n'est plus du jeu lorsqu'une personne essaye d'en dominer une autre et de dicter ce qu'ils doivent faire. Si la vie est un grand jeu alors chaque joueur doit être libre de ses mouvements tout en respectant les règles générales du jeu, et dans ce cas, les règles plus larges de la société qui s'appliquent à tout le monde. S'immiscer dans les capacités du joueur à faire des choix est le moyen de détruire le jeu pour eux. Les interactions sociales, l'apprentissage, le travail productif et les pratiques religieuses deviennent des corvées pesantes plutôt que comme un jeu joyeux lorsqu'elles sont imposées et contrôlées par les autres. En s'abstenant d'utiliser leurs capacités physiques supérieures ou leurs prouesses mentales pour contrôler le comportement des enfants (ou de qui que ce soit) les adultes chasseurs-cueilleurs s'abstiennent de détruire le sentiment de jeu chez les enfants et chez eux-mêmes.


Le jeu nécessite un sentiment d'égalité et les chasseurs-cueilleurs sont remarquablement capables de retenir ce sentiment même lors de leurs interactions avec les jeunes enfants. Les jeunes enfants sont clairement moins fort, compétent ou informé que ne le sont les enfants plus âgés ou les adultes mais leurs besoins et leurs désirs sont tout autant légitimes et personne ne sait mieux que l' enfant lui-même quels sont ses besoins ou ses désirs. Les chasseurs-cueilleurs semblent comprendre ces vérités mieux que la plupart des personnes dans notre société actuelle.


Pourquoi est-ce que notre approche de la parentalité a changé à l'avènement de l'agriculture ? Ce n'est pas seulement parce que de nouvelles métaphores ont été disponibles. Mais plutôt, l'objectif de la parentalité a changé, elle est passé de l'accueil de la volonté de l'enfant à la suppression de la volonté de l'enfant parce que les besoins perçus par la société ont changé. Dans les prochains essais je parlerais plus de cela et pourquoi cela s'est passé ainsi et ensuite je parlerais de la façon dont comment, dans notre culture aujourd'hui, nous pourrions adopter un style de parentalité plus ludique.


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[1] The theme of this essay, and some of the wording, is taken from my recently published article, ". Play as the foundation for hunter-gatherer social existence," American Journal of Play, 1, 476-522, 2009


Publié par Peter Gray le 09 Juillet 2009, Traduit par Michaël Seyne le 16 Novembre 2015