mardi 6 janvier 2015

Libre d'apprendre BLOG15 - Les sports et les jeux de poursuite, pourquoi aimons nous être chassé ?

Les sports et les jeux de poursuite, pourquoi aimons nous être chassé ?
La théorie de l’évolution explique pourquoi le joueur de rugby aime être poursuivi


Voici un enfant de trois ans qui crie avec une joie pratiquement insupportable tandis qu’il  fuit son père ou son grand frère qui imite un monstre géant qui le poursuit et qui le menace de le manger pour son petit déjeuner s’il l’attrape. Le joueur de rugby de vingt deux ans expérimente un frisson similaire tandis que la balle à la main il serpente, tourne et se précipite autour des défenseurs monstrueux les uns après les autres qui se trouvent sur son chemin pour atteindre la ligne de but. Et les fans dans les gradins partagent sa joie indirectement, tandis qu’ils s’imaginent eux-même dans un envol identique. Dans des cauchemars et dans la vie réel, rien n’est plus terrifiant que d’être pourchassé par un prédateur ou un monstre. Mais dans le jeu, rien n’est plus agréable.


Avez-vous déjà remarqué que dans tous les jeux de chasse, la position préférée est celle d’être chassé ? Le jeu le plus basique et universel de ce genre de jeu est le jeu du chat et de la souris (ou du loup). Les enfants y jouent de partout, et le but, toujours, est de passer le plus de temps possible à être poursuivie et de poursuivre le moins de temps possible. La punition pour avoir été attrapé est de devenir ‘le loup ou le chat’ et alors vous devez donner votre temps comme chasseur jusqu’à ce que vous attrapiez quelqu’un pour pouvoir de nouveau jouir l’excitation d’être chassé.


Dans tous les jeux de chasse que je connais, l’objectif principal et le plaisir sont d’éviter et de courir autour de celui qui vous chasse tout en remplissant tous les autres objectifs que le jeu demande. Un exemple typique est le jeu du renard et de l’oie que je jouais de manière incessante avec mes amis en utilisant des patins à glace sur les lacs gelés du nord du Minnesota. Le rôle préféré était toujours celui de l’oie et non celui du renard. Si vous étiez attrapé, alors vous deviez être le renard jusqu’à ce que vous puissiez être l’oie de nouveau. En situation réelle, les gens préférerais largement être le prédateur plutôt que la proie, mais dans le jeu, tout le monde préfère être la proie. Le jeu de cache-cache et de la balle au prisonnier ne sont pas exactement des jeux de chasse, mais ils suivent aussi la règle. Le rôle préféré est d’être poursuivie, ce qui se traduit dans le jeu de cache-cache par celui qui se cache et dans le jeu de la balle au prisonnier par celui qui évite le ballon pour ne pas être touché. La punition pour avoir été trouvé ou touché est que vous devenez à votre tour le poursuivant jusqu’à ce que vous trouviez ou touchiez quelqu’un et alors à ce moment vous pourrait de nouveau avoir la joie de vous cacher ou d’éviter.


Tous les sports d’équipe populaires suivent la même règle, qui sont des variations du jeu du chat et de la souris. Au rugby et au football, le but principal et la joie résident dans le fait de courir à travers le terrain en transportant avec la main ou déplaçant avec le pied un ballon tandis qu’une “horde d’ennemis” vous pourchasse, vous tacle ou vous plaque et vous prenne la balle. La même chose pour le basket-ball et le hockey. Au baseball, le rôle préféré est celui de batteur et de coureur. Le batteur, après avoir touché la balle, essaye de courir sur une boucle en joignant différents points sécurisant jusqu’à revenir à sa maison, tandis qu’un gang d’ennemis essaye de le capturer. Dans de tels jeux, les équipes alternent entre ‘offensif’ et ‘défensif’, et le rôle préféré est toujours celui qui est offensif. C’est la position dans laquelle vous êtes chassé.

Si l’on regarde d’un point de vue biologique, les termes ‘offensif’ et ‘défensif’ dans les sports d’équipe sont utilisé d’une manière trompeuse. Ces termes viennent de la métaphore de la guerre: Les joueurs offensifs envahissent le territoire des joueurs défensifs et se précipitent pour éviter de ne pas être attrapé par les défenseurs. Mais si mon analyse est correcte, à un niveau biologique, l’excitation de ce jeu ne vient pas de la simulation de la guerre mais de la simulation des relations prédateur-proie ou monstre-victime. Et en étant éclairé de cette façon, les joueurs appelé ‘offensifs’, tels que celui qui a le ballon au rugby et se dirige dans le camp adverse, sont en réalité les défenseurs. Ils sont dans le jeu, en train d’essayer de défendre leurs propres vies alors qu’ils sont poursuivis par de faux prédateurs, monstres ou ennemis.


Et maintenant revenons à la question première. Dans les jeux de chasse, pourquoi aimons-nous plus être chassé que de chasser ? La réponse peut être déduite à partir des observations de comportements similaires chez les autres animaux. Les jeunes mammifères de la plupart des espèces jouent à des jeux de chasse très proche de notre jeu du chat et de la souris, et le rôle préféré pour la plupart des espèces est celui qui est chassé. Un jeu classique (par exemple pour un binôme de jeunes singes, d’agneaux ou d’écureuils) est lorsque un jeune attaque par jeu un autre et ensuite partir en courant, en regardant en arrière pour s’assurer que le partenaire de jeu provoqué soit bien en train de le poursuivre. Quand l’animal qui poursuit attrape le poursuivit et lui fait une petite morsure, le tour change, celui qui poursuivait s’enfuit maintenant joyeusement tandis que l’autre le poursuit. C’est exactement la façon dont les enfants jouent au chat et à la souris. Par tous les moyens par lesquels l’animal montre qu’il a du plaisir, l’animal qui est chassé dans le contexte d’un jeu montre le plus grand des plaisirs, de la même façon que ça l’est pour les humains.


Il y a plus d’un siècle, le philosophe et naturaliste Karl Groos (dans le ‘Jeu des animaux’ de 1898) a montré que par sélection naturelle, les jeunes mammifères trouvent de la joie en se fuyant les uns les autres dans le jeu, ce jeu les engage de telle façon qu’ils développent par la répétition des aptitudes qui les aideront dans des conditions réelles où ils auraient besoin de fuir face à des prédateurs et des ennemis de la même espèce. Dans la plupart des espèces mammifères, la prédation est la principale cause de décès, particulièrement chez les jeunes, et chez certaines espèces, les attaques agressives de membres de leur propre espèce sont aussi une cause importante de décès. Pour la plupart des mammifères, la capacité à fuir de manière efficace d’un prédateur ou d’un ennemi est clairement une condition nécessaire pour assurer la survie, et la même chose est vraie pour nos espèces pendant la plus grande partie de son histoire évolutive. Quand un animal fuit un véritable prédateur, la force motivante est la peur. Quand un animal met en pratique dans le jeu comment fuir un faux prédateur, la force motivante est la joie. Il n’y a pas de coïncidence que notre plus grande peur devient dans le jeu, notre plus grande joie.


Comme vous pouvez le deviner, la règle  qui veut qu’être chassé est plus amusant que d’être le chasseur ne fonctionne pas avec les animaux prédateurs comme les jeunes loups, les lions et les tigres qui jouent aussi aux jeux de chasse, mais leurs comportements suggèrent fortement qu’ils préfèrent le rôle de chasseur. De tels animaux sont rarement des en position de proie, et pour eux le jeu leur sert surtout de mise en pratique de la prédation que de la fuite. C’est pourquoi votre chien aime jouer à poursuivre les voitures (grosse proie), les balles (petite proie) et toutes sortes d’objets en mouvement. Votre chien, contrairement à vous, à bien plus d’excitation à jouer au chasseur qu’à celui qui est chassé, parce que chez ses ancêtres, les aptitudes à arrêter le gibier sont bien plus cruciales pour sa survie que celles de la fuir, de l’esquive et de savoir se cacher.


La prochaine fois que vous regarderez votre rugbyman préféré esquiver et foncer sur le terrain de jeu, pensez à ceux qui sont après lui comme étant des lions, des tigres et des trolls. Vous apprécierez davantage le jeu si vous le faites. Si je devais nommer une équipe de football je l’appellerai quelque chose comme “le faon fugitif” et non pas “le tigre”, “l’ours” ou “les aigles”. Ce sont les proies et non les prédateurs qui sont les héros du jeu. Je pense que j’aurais du mal à convaincre un jeune rugbyman de 22 ans avec ça. C’est peut-être pour cela que l’on ne demande pas aux psychologues de l’évolution de donner des noms aux équipes. Ce n’est pas grave dans mon coeur je supporte les “faons fugitifs” même s’ils ne le savent pas.


Publié par Peter Gray le 5 Novembre 2008 et traduit par Michaël Seyne pour Education Libre