Le
jeu social et la genèse
de la démocratie
Dans
le jeu, les enfants apprennent à être adulte
Nous
donnons de la valeur à la démocratie. En tant que citoyens, nous
voulons que nos enfants grandissent et
qu'ils acquièrent et respectent des valeurs démocratiques. Nous
savons que la démocratie n'est pas facile. La démocratie implique
la liberté, mais elle implique aussi la responsabilité. L'équilibre
entre les deux est délicat et demande une sagesse qui ne peut être
acquise que par la pratique. Les personnes dans une démocratie sont
libres et pourtant elles doivent suivre des règles, coopérer avec
les unes avec les autres, respecter les différences parmi les
individus et reconnaître que leurs propres besoins et droits n'ont
pas plus de valeur que ceux de chaque autre personne. Comment un
enfant acquière de telles valeurs et apprend à vivre à partir
d'elles ?
Une
chose dont on peut-être certain est que l'enfant n'acquière pas de
telles valeurs dans les écoles, du moins pas dans les écoles que la
plupart des personnes connaissent. Les personnes acquièrent ces
valeurs en faisant l'expérience véritable de ces valeurs dans les
contextes de la vie réelle et en voyant qu'elles fonctionnent. À
l'école, l'enfant apprend la dictature et non pas la démocratie.
L'enfant est obligé par la loi d'être à l'école, et alors qu'il
s'y trouve il doit suivre des règles dans lesquels il n'a aucune
voie au chapitre dans leurs constitutions. Il se doit de mémoriser
quelque chose à propos des valeurs démocratique lors de leçons sur
le civisme mais il ne fait pas l'expérience de ces valeurs ce qui
donne un parfum cynique à la leçon. Ils peuvent, s'ils sont
chanceux, faire l'expérience de la compassion de la part
d'enseignants aimables, mais il s'agit d'une dictature bienveillante
et non pas d'une démocratie.
L'enfant
ne peut pas acquérir de
valeurs démocratiques
par la pratique d'activités
dirigées
par les adultes de manière autocratique. Toutefois, ils peuvent et
font
l'expérience de telles valeurs en jouant librement avec d'autres
enfants. Il
s'agit d'un environnement où ils sont traités comme égaux, où ils
peuvent avoir leur mot à dire sur ce qui se passe et où ils doivent
respecter les droits des autres s'ils souhaitent être inclus. Dans
des essais précédents j'ai affirmé que le jeu est le moyen de la
nature pour soutenir le raisonnement de l'enfant (la valeur du jeu 2)
et les aptitudes physiques (la valeur du jeu 4). Maintenant j'affirme
que le jeu est aussi le moyen de la nature pour enseigner à l'enfant
comment se comporter avec les uns et les autres de manière
démocratique.
Comme
je l'ai montré dans mon essai sur la définition du jeu (la valeur
du jeu 1), le jeu n'est pas une activité aléatoire. Elle a toujours
une structure et cette structure peut être spécifiée en terme de
règles. Même les jeux les plus informels sont structurés par des
règles. Par exemple, les jeux de combat et de bousculade respectent
un certain nombre de règles concernant les coups qui sont autorisés.
Une règle majeure de ce genre de jeu est que vous ne blessez pas
réellement l'autre personne. Le jeune enfant qui joue à faire
semblant établi un certain nombre de règles élaborées qui
spécifient quel rôle chaque personne joue, comment elles le joue et
quels accessoires il est possible d'utiliser ou pas. Les chercheurs
qui ont étudiés de tels jeux ont noté que cela prend plus de temps
d'élaborer et négocier les règles que de jouer au jeu en lui-même.
Les jeux formels tels
que le football ont des règles officielles mais en choisissant ces
jeux, les joueurs peuvent toujours modifier les règles pour
s'adapter à leurs besoins et leurs désirs uniques. Par exemple,
« Si le ballon va dans le jardin du voisin, on perd un point. »
qui spécifie la façon dont ont joue
pourrait
se définir comme les règles
du jeu.
Mais
avant tout les règles du jeu se construisent sur des règles encore
plus élevées
qui s'appliquent
à tous
les jeux sociaux. Ce sont les règles qui rendent le jeu social
possible. Ce sont les règles qui définissent comment jouer avec les
autres. Pour les distinguer des règles du jeu, je vais les appeler
les méta-règles
du jeu social. Ces règles sont aussi dans leur essence, les
principes de la démocratie. En bref, les voici présenté du mieux
que je le peux pour le moment :
1.
Tous les joueurs doivent avoir leur mot à dire dans le choix, la
fabrication et le changement des règles du jeu. Toutes
les décisions et les règles sont réalisées par ceux qui sont
affectés par ces décisions et règles.
2.
Tant que les règles du jeu ou les droits des autres personnes sont
respectés, chacun dans le jeu doit avoir la possibilité de jouer à
sa propre façon pour exprimer sa propre individualité. Pour
respecter les droits individuels, chaque personne à la possibilité
de choisir sa propre route vers le bonheur en restant dans les
limites des règles qui ont été définis.
3.
Tous les joueurs doivent être traités respectueusement comme un
égal à tous les autres. Il
s'agit du principe d'égalité, ce qui veut dire que chaque personne
est considérée comme ayant une valeur égale, peu importe les
différences entre les capacités et les intérêts.
Ces
règles ne sont pas en place dans le jeu social parce que quelqu'un
les prêche comme des principes moraux mais parce qu'elles sont
nécessaires
à la pratique du jeu. Si quelqu'un viole ces règles, ou s'il les
viole dans un but ostensiblement nuisible, le jeu s'effondre.
Laissez-moi expliquer cela. Le jeu par définition est optionnel.
C'est quelque chose que les personnes choisissent de faire et non pas
quelque chose qu'ils se doivent de faire. La liberté la plus
fondamentale dans n'importe qu'elle forme de jeu est la liberté
d'arrêter. Tout le monde reconnaît implicitement cela. Si quelqu'un
est forcé de rester
dans le jeu alors cette personne n'est pas un joueur mais une
victime. Cette liberté de sortir du jeu est la force conductrice qui
rend le jeu social nécessairement démocratique.
Dans
le jeu, comme dans le reste de la vie, il y a toujours quelques
personnes qui souhaitent
dicter les règles. Imaginons
que Caroline se comporte comme un petit chef dans un jeu de rôles
qui imite la vie à la maison, elle dit à Marc et à Julie quels
rôles ils doivent jouer, quels accessoires ils doivent utiliser et
comment ils doivent se comporter dans leur jeu de rôles. Même si
Marc et Julie sont plus petits que Caroline ils ont peut être leur
propre idée de la façon dont ils souhaitent jouer. Si Caroline est
têtue et insiste pour que tout se passe comme elle le souhaite, Marc
et Julie s'arrêteront de jouer. Ils partiront et feront autre chose.
Caroline se retrouvent seule à alors apprit une leçon de grande
valeur. La prochaine fois elle ne pas trop autoritaire, elle fera des
suggestions et sera prête à faire des compromis.
De
la même façon, Benoît,
une petite brute qui insiste de faire tous
les tirs au but dans son équipe de football en argumentant (en
supposant que c'est vrai) qu'il est le meilleur tireur au but. Mais
trois autres joueurs de son équipe veulent aussi tirer au but. Ils
désirs
tellement cela
qu'ils
sont même
prêts
à partir si on ne leur en donne pas la chance. Si
Benoît n'accepte pas il pourrait perdre des membres de son équipe
et le jeu serait terminé. Même les joueurs qui n'ont pas de
comportement très sophistiqué comprennent tout cela de manière
implicite. Personne n'a besoin de menacer d'arrêter le jeu, tout le
monde sait que pour continuer à jouer le jeu vous devez garder tout
le monde heureux. C'est pourquoi tout le monde à son mot à dire
dans les règles et toutes les autres décisions. C'est aussi
pourquoi tout le monde doit être traité avec respect et égalité.
L'équité du jeu, comme l'équité de toute démocratie n'est pas
une égalité de similitude. Il s'agit plutôt d'une égalité qui
vient du respect égal des différents besoins et désirs de
personnes différentes.
Remarquez
que dans le jeu de football, le but de faire en sorte que le jeu se
déroule en gardant les membres de l'équipe heureux passe avant le
but de gagner. Les joueurs peuvent dire que leur but est de gagner et
en effet, les joueurs peuvent montrer leur joie à chaque fois que
leur équipe marque un but ou gagne un point mais si vous regardez
attentivement vous verrez que le véritable but n'est pas la
victoire. Le vrai but est de bien jouer, de s'amuser et de faire en
sorte que le jeu se déroule de façon à ce que tout le monde soit
heureux. Vous n'utilisez pas toujours votre meilleur tireur au but si
d'autres veulent tirer à leur tour. Vous tirez doucement pour le
petit Nicolas parce que vous savez qu'il n'aurait aucune chance de
l'attraper et que
en tirant trop fort l'aspect amusant du jeu disparaîtrait.
Par contre vous tirez de toutes
vos forces face à Henri qui
gardien de but très expérimenté parce qu'un petit tir
serait
pour lui une humiliation.
Dans le vrai jeu, contrairement aux fédérations sportives
organisées ou d'autres activités dirigées
par des adultes, chaque joueur doit faire attention à la psychologie
de tous
les joueurs et jouer d'une façon qui plaît à
tous.
C'est le moyen de garder le jeu vivant et amusant.
Je
ne souhaite pas sur-idéaliser l'enfant. Tous
les enfants
n'apprennent pas facilement les leçons de la démocratie par le jeu.
Et tous
les jeux ne sont pas entièrement démocratiques.
L'agressivité persiste, et les rôles de bouc émissaire tout
autant. Mais le jeu social, plus que dans quelconque force que nous
connaissons, aide les personnes à surmonter leur agressivité et
aide les victimes à s'affirmer.
Il
est triste aujourd'hui que les enfants aient de moins en moins de
vraies opportunités de jeux sociaux non supervisés par les adultes
que nous en avions lorsque nous étions enfant. Non seulement cela
participe à la croissance des épidémies d'obésité et de
dépression chez l'enfance mais aussi, j'en ai peur rend toujours
plus difficile pour l'enfant de grandir avec un véritable goût pour
les valeurs démocratiques. Dans le jeu nous apprenons à négocier
nos besoins en à nous traiter les uns les autres en tant qu'égaux.
Dans le jeu, peu importe l'âge que nous ayons, nous apprenons ce
qu'est être adulte et qu'il n'y a pas d'autorité plus haute vers
laquelle se tourner pour résoudre nos problèmes. Et cela est
vraiment la leçon la plus difficile de la démocratie.
Publié
par Peter Gray le 04 Mars 2009 et traduit par Michaël le 4 Juillet
2015
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