Pourquoi
devrions nous arrêter
d'isoler les enfants par groupe d'âge.
Partie 1 : la valeur du jeu dans la zone proximale de développement
Partie 1 : la valeur du jeu dans la zone proximale de développement
Un des aspects les
plus étranges, selon moi, qui est le plus nuisible dans la façon
dont l'on traite les enfants aujourd'hui est ce penchant à les
isoler en les séparant par groupe d'âge. Nous faisons cela, non
seulement dans les écoles, mais aussi de plus en plus dans les
environnements extérieurs à l'école. En faisant cela, nous privons
les enfants d'un constituant de grande valeur à leur auto-éducation
naturelle.
La méthode
scolaire d'isolement par âge est devenue dominante à peu prêt au
même moment de l'histoire quand la mode des chaînes d'assemblage en
usine devint dominante. L'analogie implicite est plutôt évidente.
Le système scolaire à classement traite l'enfant comme s'ils
étaient des objets sur une chaîne d'assemblage, qui se déplace en
s’arrêtant d'un arrêt à un autre (d'un niveau à un autre) le
long d'un tapis roulant, à une vitesse constante. À chacun des
arrêts, un ouvrier d'usine (un enseignant) ajoute de nouveaux
composants (unité de connaissance) au produit. À la fin de la
chaîne, l'usine recrache un être humain neuf et adulte, tout
construit selon les spécifications de l'industriel (les éducateurs
professionnels).
Bien sur, toute
personne qui a déjà eu un enfant ou qui les connaît, ce qui
inclut tous ceux qui travaillent dans nos écoles de séparation par
âge et niveaux savent que ce point de vue d'une chaîne
d'assemblage dans le développement de l'enfant est complètement
fausse. Les enfants ne sont pas des produits passifs auxquels nous
pouvons ajouter des composants. Les enfants ne sont pas des adultes
inachevés qui ont besoin d'être construit petit à petit en
suivant un ordre d'étapes logique. Les enfants sont des êtres
humains complets de leur propre droit, qui demandent constamment à
contrôler leur propre vie et qui, en dépit de ce que nous les
faisons traverser, insistent à apprendre ce qu'ils veulent
apprendre et pratique les compétences qu'ils veulent pratiquer.
Nous ne pouvons pas les arrêter. Il serait bien préférable que
nous soyons capables d'aller dans leur sens plutôt que de nous y
opposer.
Dans
les acomptes précédents j'ai décrit l'environnement dans lequel
les enfants s'éduquent par eux-même, sans la direction ou
l'encouragement des adultes. En particulier, j'ai discuté de
l'auto-éducation qui avait lieu dans les groupes de
chasseurs-cueilleurs (lien)
et comme elle se déroule dans les écoles d'aujourd'hui conçu
spécialement pour l'auto-éducation, comme l'école de Sudbury
Valley (liens).
Une fonction connue
de ce genre d'environnement est de permettre à l'enfant d’interagir
avec les autres dans un large éventail d'âges. Les
anthropologistes ont affirmé que le mélange libre des âges
est la clé à l'auto-éducation des enfants chasseurs-cueilleurs et
Daniel Greenberg a
longtemps affirmé que le mélange libre des âges est la clé de
l'auto-éducation à l'école Sudbury Valley qu'il a aidé à fonder
[1].
Il y a quelques
années, Jay Feldman (qui était alors un étudiant diplômé
travaillant avec moi) et moi-même avons conduit quelques études
sur les interactions qui prennent place dans le mélange des âges à
l'école Sudbury Valley dans le but de (a) déterminer à quel point
ce mélange se mettait en place à l'école, (b) identifier le
contexte dans lequel le mélange des âges se met en place et (c)
identifier les moyens par lesquels le mélange des âges contribue à
l'auto-éducation.
Quand
on leur en donne la possibilité, les enfants passent un temps
considérable à interagir avec les autres qui sont plus vieux et
plus jeunes qu'eux-même.
Sudbury Valley a,
à tout moment, approximativement entre 170 et 200 élèves, qui
sont âgés sur une échelle de 4 à 18 ans et parfois plus vieux.
Les élèves peuvent se déplacer librement à tout moment sur le
site et à l'intérieur des bâtiments de l'école et peuvent
interagir avec quiconque leur plaît. L'école est suffisamment
grande pour permettre, si les élèves le choisissent, d'interagir
avec seulement ceux qui ont une ou deux années de plus qu'eux. Mais
ils ne le font pas. Dans notre étude quantitative nous avons
découvert que plus de la moitié (50%) des interactions sociales
des élèves à l'école étaient avec d'autres élèves qui étaient
vieux de plus de deux ans et plus jeunes qu'eux, et 25 % de
leurs interactions était avec d'autres élèves qui étaient vieux
de plus de quatre ans ou plus jeunes qu'eux [2].
Le mélange des âges est particulièrement fréquent pendant le
jeu. Le jeu actif de toute sorte entrainait plus souvent le mélange
des âges que le font les conversations qui n'impliquent pas le jeu.
Durant les
prochains acomptes de ce blog, je discuterais des avantages variés
d'un environnement d'auto-éducation qui mélange les âges, en
utilisant des exemples de nos observations à l'école Sudbury
Valley [3]. Un avantage
clair et qui est le sujet de ce présent acompte est celui-ci :
Le
mélange des âges permet aux enfants plus jeunes
se lancer et d'apprendre des activités qu'ils ne pourraient
pas faire seul ou avec seulement ceux du même âge.
Dans
les années 1930, le psychologue du développement Russe Lev
Vygotsky développa un concept qu'il appela
la zone
proximale de développement,
qui peut se définir comme
le royaume d'activités que l'enfant peut accomplir en collaboration
avec des personnes ayant davantage de compétences mais qu'il ne
peut accomplir seul ou avec ceux qui sont au même niveau que
lui-même
[4].
Vygotsky déclara que les enfants apprennent mieux quand ils sont en
relation avec d'autres personnes se trouvant dans leurs zones
proximales de développement. Depuis l'époque de Vygotsky, les
professeurs d'éducation ont utilisé les concepts de Vygotsky pour
décrire l'interaction entre l'adulte enseignant et le jeune
étudiant, mais le concept s'applique bien mieux, je pense, à ce
qui se déroule naturellement dans les interactions entre enfants
d'âges
différents.
Comme
illustration (Que j'ai déjà utilisé ailleurs), imaginez deux
enfants de quatre ans qui essayent de jouer à un simple jeu qui
consiste à attraper quelque chose en vol [5].
Ils ne peuvent le faire. Aucun des enfants ne peut lancer une balle
suffisamment droite pour que l'autre puisse l'attraper, du coup le
jeu perd de son intérêt et est ignoré rapidement. Maintenant
imaginez un enfant de quatre ans jouant au jeu avec un enfant de
huit ans ayant plus de compétences au lancé. L'enfant plus vieux,
qui plonge et saute peut attraper la balle sauvage du plus jeune et
peut s'amuser à le faire, de la même façon, l'enfant plus vieux
peut lancer la balle directement dans les mains tendues du plus
jeune, ainsi celui-ci peut expérimenter la joie de réussir à
attraper. Ainsi, le jeu de lancer et attraper est un jeu qui se
trouve dans la zone proximale de développement de l'enfant de
quatre ans. Dans un environnement d'isolement par groupe d'âge
consistant seulement d'enfants de quatre ans, ce jeu ne serait pas
possible, mais dans un environnement d'âges mélangés qui inclut
la présence d'enfants de huit ans aussi bien que d'enfants de
quatre ans, le jeu se trouve dans le royaume des possibilités de
chacun.
À n'importe quel moment de la journée à Sudbury Valley vous
pouvez trouver de jeunes enfants jouant à des jeux, avec des
enfants plus âgés, avec lesquels il ne serait pas possible de
jouer avec seulement ceux de leur âge. Cela inclut aussi bien des
jeux intellectuels qu'athlétique. Ils jouent ensemble non pas parce
que quelqu'un leur demande, mais parce que c'est ce qu'ils
souhaitent. Les enfants les plus jeunes sont attirés par les
activités et les personnalités des plus vieux, et les enfants plus
âgés aiment les opportunités d'interagir avec ceux plus jeunes.
Voici un exemple de jeu intellectuel se trouvant dans la zone proximale de développement. Dans de nombreux cas nous avons observé des enfants de sept, huit ans jouer des jeux de cartes compliqués en groupe avec des enfants plus vieux et adolescents. Par eux-même, les enfants de sept, huit ans ne seraient pas capables de jouer à de tels jeux. Ils ne seraient pas capables de garder leur attention concentrée suffisamment longtemps ou ne pas perdre les règles ou même maintenir les cartes suffisamment droite pour que les autres joueurs ne les voient pas. Ils peuvent jouer ces jeux avec de plus vieux enfants car les plus vieux les maintiennent sur les rails, leur rappelant quand cela est nécessaire de ce qu'ils ont à faire, et parfois leur donner des conseils stratégiques : ''Fais attention !'' ''Essaye de te souvenir quelle carte a été joué.'' ''Pense avant de déposer ta carte de manière à ne pas te la faire prendre par un autre joueur.'' L'attention, la mémoire et la préméditation sont des éléments de ce que nous appelons communément l'intelligence. Dans ce processus du jeu des cartes, qu'ils pratiquaient seulement pour l'aspect amusant, les enfants plus âgés aident de manières secondaires les plus jeunes à développer leur propre intelligence.
Le concept de
Vygotsky nous aide aussi à comprendre comment les enfants plus
jeunes apprennent à lire à l'école Sudbury Valley. Les enfants
qui ne peuvent pas lire, ou ne peuvent pas lire assez bien, peuvent
être régulièrement trouvé à jouer des jeux (et particulièrement
des jeux ordinateurs) qui impliquent le mot écrit avec des enfants
qui savent écrire assez bien. Le lecteur lit à voix haute ce que
les autres ne savent pas lire, et dans ce processus les non-lecteurs
deviennent petit à petit les lecteurs eux-mêmes.
Le mélange des
âges permet aux jeunes enfants de s'engager dans des aventures
ludiques qui seraient trop dangereuses pour eux à pratiquer seul ou
avec seulement ceux de leur âge. Les enfants qui seraient trop
effrayés, à juste raison, de s'aventurer dans les bois par
eux-même se sentiront en sécurité de le faire parmi des enfants
plus âgés qui connaissent les bois. De la même façon, les jeunes
enfants qui découvrent pour la première fois l'escalade des arbres
se sentiront en sécurité en s'aventurant sur les branches les plus
basses si les plus grands sont en dessous d'eux, leur conseillant
comment faire et prêt à les rattraper s'ils tombent.
Quand vous êtes
petit et seulement avec des enfants de votre propre âge, l'éventail
des activités possible est limité à la connaissance et aux
habilités de ceux qui sont dans votre groupe d'âge, mais en
collaboration avec des enfants plus âgés il n'y a pratiquement
aucune limite à ce que vous pourriez faire !
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Dans le prochain
acompte je décrirai plus les avantages d'un environnement éducatif
qui mélange les âges, ce qui inclut les avantages pour les enfants
plus âgés aussi bien que ceux plus jeunes. En même temps,
j'aimerais entendre de vous concernant des exemples de vos souvenirs
d'enfance concernant l'apprentissage parmi des groupes d'âge mixtes
ou que vous avez observé chez les enfants que vous connaissez. S'il
vous plaît incluez vos commentaires ci-dessous.
Références :
1. Greenberg, D. (1992). Sudbury Valley's secret weapon: Allowing people of different ages to mix freely at school. In D. Greenberg (Ed.), The Sudbury Valley School experience, 3rd ed. Framingham, MA: Sudbury Valley School Press.
2. Gray, P. and Feldman, J. (1997). Patterns of age mixing and gender mixing among children and adolescents at an ungraded democratic school. Merrill-Palmer Quarterly, 43, 67-86.
3. Gray, P. and Feldman, J. (2004). Playing in the Zone of Proximal Development: Qualities of Self-Directed Age Mixing Between Adolescents and Young Children at a Democratic School. American Journal of Education, 110, 108-145.
4. Vygotsky, L. (1978). Interaction between learning and development. In M. Cole, V. John-Steiner, S. Scribner, and E. Souberman (Eds), Mind and society: the development of higher psychological processes. Cambridge, MA: Harvard University Press.
5. Gray, P. The value of age-mixed play. Education Week, April 16, 2008.
1. Greenberg, D. (1992). Sudbury Valley's secret weapon: Allowing people of different ages to mix freely at school. In D. Greenberg (Ed.), The Sudbury Valley School experience, 3rd ed. Framingham, MA: Sudbury Valley School Press.
2. Gray, P. and Feldman, J. (1997). Patterns of age mixing and gender mixing among children and adolescents at an ungraded democratic school. Merrill-Palmer Quarterly, 43, 67-86.
3. Gray, P. and Feldman, J. (2004). Playing in the Zone of Proximal Development: Qualities of Self-Directed Age Mixing Between Adolescents and Young Children at a Democratic School. American Journal of Education, 110, 108-145.
4. Vygotsky, L. (1978). Interaction between learning and development. In M. Cole, V. John-Steiner, S. Scribner, and E. Souberman (Eds), Mind and society: the development of higher psychological processes. Cambridge, MA: Harvard University Press.
5. Gray, P. The value of age-mixed play. Education Week, April 16, 2008.
Publié le 9 Septembre 2008 par Peter Gray
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